"Un livre qu'on quitte sans en avoir extrait quelque chose est un livre qu'on n'a pas lu."

[Antoine Albalat]

février 27, 2012

À la brocante du coeur - Robert Cormier

           Dès la première partie, nous comprenons d’emblée qu’il s’agit d’un roman policier. Ensuite le narrateur omniscient nous fait voyager de Trent, le policier, à Jason, un jeune élève qui vient de terminer son année scolaire. L’été est ensuite marqué par le décès mystérieux de la petite Alicia, une amie de Jason bien qu’elle soit plus jeune. Je précise ce détail, car je suis étonné qu’un jeune adolescent se lie d’amitié avec des filles plus jeunes - nous avons l’habitude de rencontrer le contraire. Lorsque le héros se fait interroger par l’inspecteur, je commence à soupçonner la police de le placer à la première place des suspects potentiels puisqu’il est la dernière personne à l’avoir vue vivante. En outre, je pense que j’aurais réagi de la même façon bien que l’on soit conscient de l’innocence de ce dernier.
                Certains passages me donnent un goût de déjà-vu. Par exemple, Jason dit au policier qu’il n’a rien vu de suspect, mais au fond, il la trouvait nerveuse et susceptible. Cette scène ne me laisse pas indifférent, j’ai l’impression de l’avoir déjà lue auparavant. Il y a également la scène dans le commissariat où Jack et Tim, deux brutes sportives, discutent d’une manière douteuse loin des autres jeunes suspects.
                 L’interrogatoire est une partie intéressante du roman : le narrateur omniscient glisse tantôt dans la tête de Jason, tantôt dans la tête de Trent. Cette stylistique nous permet de comprendre l’influence que les deux acteurs ont l’un envers l’autre.  Cependant, je trouve que le lecteur reste très passif, car on ne découvre rien de nouveau. Pas d’indice, ni de fait. Juste un simple rappel de la querelle sans doute insignifiante pour un frère et une sœur. Globalement, on reste sur la même lancé ; l’inspecteur continue son interrogatoire dans un but qui, finalement, n’amènera nulle part puisque nous savons que Jason est innocent.  De plus, pour un homme intelligent, ses questions et ses affirmations ne semblent pas perspicaces. En effet, lorsque Jason « s’évade » du commissariat, il reste planté à l’entrée d’un parking. Ce comportement ne confirmait pas une évasion ; cela aurait dû légèrement innocenter le jeune garçon.
                Le résumé formulé par l’inspecteur m’a fait sortir de mes gonds : d’une part, il affirme que Jason se sentait inférieur par rapport à Alicia, qu’il aimait les films et les livres violents ; d’autre part, l’inspecteur amène de manière subtile l’arme du crime, une pierre, et lors du résumé, il sous-entend que Jason en a parlé alors que l’information n’était jamais sortie du bureau de police. En somme, tous ces détails sont agaçants, car l’inspecteur, poussé par le sénateur, est prêt à tout pour trouver le coupable. J’aimerais qu’il s’attarde davantage sur la relation fraternelle et tumultueuse des derniers instants plutôt que de creuser un trou insignifiant  et de le remplir de suppositions infondées.  
                Et puis, Jason avoue le meurtre, mais je n’y crois pas – il n’y a aucune raison d’y croire – alors je suis encore plus en colère contre l’inspecteur. Je trouve ce retournement de situation frustrant, car le garçon est timide et affecté par le meurtre de son amie. Il sera accusé d’un fait qu’il n’a pas commis et le meurtrier – le frère – restera libre et insoupçonné. Soudainement, les incertitudes du frère se confirment et  le policier risque d’être rétrogradé pour avoir commis à son tour un crime. C’est à ce moment-là que je ressens un sentiment de justice. L’ordre est rétabli, le happy end tant attendu se profile à l’horizon. Je ne suis pas un fervent admirateur des fins heureuses, mais dans ce livre, particulièrement, j’éprouvais le besoin que cela se produise.
                La fin, quant à elle, reflète une idée qui avait traversé mon esprit. Toutes ces questions n’auraient pas pu laisser Jason indifférent. Toutes ces questions qui doivent avoir chamboulé son esprit aura des répercutions ; surtout à cette âge-là !

                Alors à force d’avoir cherché un monstre où il n’y en avait pas, on finit par en créer un qui n’existait pas.     

février 26, 2012

À la recherche du fantastique

              Dans le cadre d’une tâche-problème sur le récit fantastique, je me suis mis à découvrir quelques classiques du genre. D’une part, j’ai lu quelques romans afin de m’imprégner de l’atmosphère particulière et d’autre part, je voulais m’entourer de quelques œuvres afin de mieux cerner ce genre littéraire.
               
                J’ai,  bien évidemment, commencé par les romans que je possédais déjà. Je me suis donc tourné vers L’Étrange Cas du docuteur Jekll et de M. Hyde. Comme beaucoup d’autres, l’histoire effrayante de Stevenson ne nous est pas inconnue ; il existe une multitude de reprises et de parodies. Je citerai celles qui m’ont marqué durant mon enfance, c’est-à-dire les Looney Tones et les Simpson.
                C’est pourquoi, avant d’avoir lu le roman, j’avais déjà une idée à la fois vague et précise de l’histoire. En effet, je connaissais déjà bien les tourments du docteur, mais l’histoire originelle, quant à elle, restait inexplorée. 

                Est-ce réellement un récit fantastique puisque l’inexplicable aura certainement une explication scientifique ? 

                Après quelques lignes, j’étais déjà surpris de découvrir le héros, le notaire M. Utterson, un ami de l’honorable docteur Jekyll. Je pensais découvrir un antihéros victime de ses propres expériences, au lieu d’un homme intelligent, bourgeois et assoiffé de vérité. C’est ainsi que ce roman fantastique prenait l’allure d’un policier : le notaire est désireux de démasquer le coupable de tous ces méfaits. Malheureusement, la réponse de ses recherches a rendu le récit tellement célèbre que je connaissais déjà le fin mot de l’histoire après quelques pages. La comparaison des différentes lettres, le comportement étrange de M. Hyde, les disparitions et les isolements du docteur, tout confirmait l’hypothèse : M. Hyde et le docteur Jekyll est une seule et même personne.
                Cette chute, tristement découverte prématurément, aurait pu ralentir ma frénésie de lecture, mais l’ambiance était si obscure, le récit était si ensorcelant que je me suis pris au jeu. En effet, l’écriture était fluide et le vocabulaire si bien choisi qu’on se plonge et qu'on se noie dans un univers ténébreux où se mélangent les crimes, les secrets et le mal. On imagine sans cesse des rues  et des pièces tristement éclairées par des réverbères et par des lampes à pétrole où des ombres espiègles pourraient nous observer. Alors même si l’on a l’impression que le héros tourne en rond à rechercher un meurtrier que l’on connaît déjà, on prend du plaisir à s’imprégner de cette ambiance qui, personnellement, n’arrive pas à la cheville de grands auteurs contemporains tels que Stephen King. 
                « Je dis bien « il » - comment pourrais-je dire « je » ? Car ce fils de l’enfer n’avait rien d’humain ; rien ne l’habitait que la peur et la haine. » P.118
                Le dernier chapitre, où le narrateur devient le docteur Jekyll, nous découvrons un combat sans merci entre le bien et le mal. Un combat qui pose une question de conscience, car nous avons tous une petite voix dans notre tête qui nous répète sans cesse de bien agir et parfois, nous avons une autre petite voix qui nous incite au contraire.   
« Tout le malheur du genre humain provient de ce que ces deux monstres incompatibles ont été liés l’un à l’autre – de ce que dans le sein torturé de la conscience ces pôles jumeaux se livrent une lutte sans merci. Comment, dès lors, les dissocier ? » P.98

                À la fin du roman, j’en ai conclu qu’il s’agissait bien d’une œuvre fantastique, par son atmosphère, son vocabulaire et le sentiment de peur omniprésent. Toutefois, l’étrange, qui engendre l’angoisse et le doute, a une explication scientifique ; et l’étrange scientifique est propre au récit de science-fiction. Par conséquent, je dirai que l’œuvre de Stevenson est un récit fantastique, mais qui n’écarte pas les premières portes qui s’ouvrent au SF.

                Dans la même veine, j’ai lu L’île du docteur Moreau, car ce récit se classe tantôt dans le récit fantastique, tantôt dans le récit de science-fiction. Et puisque j’avais choisi, entre autres, ce roman pour émettre des hypothèses de lecture dans ma séquence sur le fantastique, je me suis penché sur cette œuvre afin de trancher moi-même.
                Encore une fois, L’île du docteur Moreau est tellement connue que je mettais déjà fait une image assez précise : une île inconnue, un docteur mystérieux, des personnages hideux, et des bruits furtifs au-dessus de notre épaule.
                Au début du roman, je commençais à le classer dans le fantastique, car Prendrick, le héros rencontre le terrifiant et le mystérieux. En effet, une fois arrivé sur l’île, il se retrouve confronté à des hurlements de bêtes torturées, à des domestiques mi-hommes mi-bêtes, à des bêtes dangereuses qui le poursuivent, la nuit, dans une forêt tropicale. L’ambiance est également sombre, car à la tombée de la nuit, il n’y a pas grand-chose pour les éclairer ; surtout en pleine forêt. De plus, la passage de la réalité à un lieu fermé et étrange - ici, une île - est un thème récurrent dans le fantastique.
« Plus loin, à l’ombre de quelques fougères géantes, je tombai sur un objet désagréable : le cadavre encore chaud d’un lapin, la tête arrachée et couvert de mouches luisantes. Je m’arrêtai stupéfait à la vue du sang répandu. L’île, ainsi, était déjà débarrassée d’au moins un de ses visiteurs. » p.52
                Mais rapidement, l’histoire tourne au désastre scientifique : entre les arbres, entre les rochers vivent une multitude de monstres.  Ces êtres hideux et repoussants sont la conséquence d’expériences cruelles opérées par le docteur lui-même. Même s’ils ont perdu de leur capacité cognitive, ces hommes-bêtes sont dotés du langage et peuvent communiquer de manière rudimentaire. Rassemblés dans des cavités rocheuses,  ils forment une sorte de tribu obsédée par La Loi. En effet, cette microsociété partage des valeurs communes le plus souvent liées à la peur de la maison de la souffrance (la cabane du docteur Moreau). Par conséquent,  ce roman fantastique prenait des allures de science-fiction. En effet, il critique de nombreux aspects de la société victorienne en pleine évolution technique et de surcroît, scientifique : certaines pratiques de recherche, les dangers de la science, le darwinisme, l’homme et l’animal,  voire même la minorité asservie par la peur de l’autorité.
                En outre, je ne comprends pas pourquoi l’éditeur a écrit sur la quatrième de couverture : « Un grand classique du roman fantastique par l’auteur de La guerre des mondes et de L’homme invisible. » alors que le roman se trouve clairement à la frontière de deux genres littéraires. 

février 19, 2012

Un livre qui dit tout

Le livre qui dit tout

                « Ça, c’est une bonne vachement bonne idée. Et tu sais où commence le bonheur ? Il commence quand on cesse d’avoir peur. » Mme Van Amersfoort.  P. 38

                Pour être franc, j’ai lu ce livre d’une seule traite, alors je ne sais pas par où commencer… Il est court, facile à lire et vraiment bien écrit ; c’est pourquoi je n’avais pas envie de m’encombre d’un ordinateur ou d’un bloc-notes. Je voulais simplement découvrir ce roman sans m’arrêter, sans distraction. Je n’ai pas émis d’hypothèse de lecture, peut-être parce que je n’en étais pas capable : l’histoire était simple si bien qu’il était difficile d’imaginer la suite du récit. Toutefois, j’ai trouvé ce livre très beau. Thomas est naïf comme tous les enfants de son âge, il a une imagination débordante, mais il est excessivement touchant, car il est courageux et bon. De plus, il est entouré de bonnes femmes sympathiques et également pleine d’amour. Bref, l’amour, la bravoure, la solidarité et l’humour rythment ce récit.   
                Les femmes ont un rôle extrêmement important dans ce roman : elles apportent et représentent toutes les caractéristiques de ce roman citées plus haut : l’amour (Eliza, Maman), la bravoure (Maman, Mme Van Amersfoort, Margot) et la solidarité (représentée par toutes les femmes à la fin du récit). Quant à l’humour, il est principalement apporté par Thomas, le héros du roman.  
                Le livre qui dit tout aborde également différents thèmes sociaux tels que l’après-guerre, les femmes battues, les religions, le droit des femmes, etc.  Ce sont des sujets qui, évidemment, nous interpellent. Au XXIe siècle, les droits humains ont une part importante dans notre société, et ils sont constamment au centre de débats sociopolitiques d’où l’importance de sensibiliser, parfois indirectement, nos élèves pour qu’ils développement, selon leur sensibilité, de l’empathie.
                Rares sont les livres qui arrivent à provoquer en vous une lecture lunatique : j’ai ri, j’ai été attristé, j’ai été choqué et quelquefois, j’ai simplement souri. Cela me rappelle d’ailleurs « Une pièce montée » de Blandine Le Callet où nous découvrons un mariage à travers différents personnages de tous âges : d’une petite fille à la grand-mère de la mariée, de la belle-sœur au marié. Les morceaux du puzzle s’assemblent au fur et à mesure que les différents personnages prennent la parole. L’auteur arrive à nous émouvoir de diverses façons, car les préoccupations varient selon l’âge et la place que nous occupons durant une telle célébration.  C’est pourquoi ce sont des livres qui doivent être lus sans coupure afin que nous ressentions la magie de ces romans ; ce don que l’auteur utilise pour nous transporter d’un sentiment à un autre, d’une vision de la réalité à une autre.