"Un livre qu'on quitte sans en avoir extrait quelque chose est un livre qu'on n'a pas lu."

[Antoine Albalat]

avril 24, 2012

GENESIS ALPHA et les marchands de clones

                      En vue d’une future séquence de leçons sur la première et la quatrième de couverture, j’aime analyser l’aspect d’un livre afin d’émettre des hypothèses de lecture.  En effet, cette démarche me permet de m'améliorer, car je serai un jour amener à développer l’esprit critique des élèves lorsqu’ils choisiront un roman.
                        L’habit ne fait pas le moine et parfois, les apparences sont trompeuses. C’est le cas, par exemple, de « L’Affaire Jennifer Jones » d’Anne Cassidy. Son roman laisse croire au lecteur qu’il va se plonger dans un roman policier alors qu’il découvrira un roman réalise à travers les yeux d’une meurtrière en pleine rédemption.

            La première de couverture est trempée de sang. Le rouge et le noir donnent une impression de mouvement. Les bulles confirment l’aspect sanguin et renforcent l’aspect muable de la couverture. En arrière-plan, deux ombres presque identiques ; l’une semble plus petite que l’autre.  En avant-plan, un titre, « GENESIS ALPHA », écrit en majuscule et en police moderne.

            Par conséquent, l’histoire sera centrée sur deux personnages. Sans doute deux frères, car le sang rappelle le lien consanguin ; sans doute des jumeaux, car les ombres sont pratiquement identiques. Le titre, quant à lui, se décompose de la manière suivante : « Genesis » est un mot anglais ; il signifie « Genèse ». Ce mot, que l’on retrouve volontiers dans la Bible, est à l’origine grec et se traduit par « le commencent », « l’origine ». « Alpha » est également grec et représente, entre autres, la première lettre de l’alphabet hellénique. L’intitulé du roman et l’illustration ouvrent donc un éventail très large :

S’agit-il d’un roman de science-fiction ?
L’histoire sera-t-elle centrée sur deux frères jumeaux ?
Parlera-t-on de manipulation génétique ?


Quatrième de couverture

« Max est en détention provisoire depuis
trois semaines.
Presque un mois.
Il peut se passer beaucoup de choses
en un mois.
Mon anniversaire, par exemple ; même si
personne ne s’en est rappelé. J’ai treize ans
maintenant.
J’en avais douze quand la fille est morte. »

Josh et Max. Max et Josh. Deux frères, presque jumeaux. Deux frères, qui partagent tout. En particulier leur passion pour Genesis Alpha, leur jeu vidéo, leur seconde vie. Mais lorsque Max est arrêté pour le meurtre d’une jeune fille, il ne s’agit plus de jouer…
Tout accuse Max. Mais est-il vraiment le monstre que l’on dépeint ? La vérité risque d’être plus terrible encore…

            La quatrième de couverture commence par un extrait. J’y découvre le meurtre d’une fille. J’y apprends également le nom d’un coupable, Max. Le narrateur sera interne, car il est le héros et il parle en « je ». En outre, il semble avoir été effacé par ce drame ; il en subit les conséquences.
            Ensuite, je lis un résumé apéritif. Il commence par un chiasme et une anaphore qui renforcent le lien entre deux frères, Josh et Max. L’un d’eux est coupable d’un meurtre et il a été arrêté par la justice. Genesis Alpha se révèle être un jeu vidéo où se retrouvent les deux frères. Et enfin, le résumé apéritif se termine par un questionnement qui incite le lecteur à en savoir davantage.   

            Comme vous venez de le lire, il ne s’agira pas d’un roman de science-fiction. En effet, ce résumé prend des allures policières, car le lecteur découvrira l’identité du véritable meurtrier. De plus, les deux ombres de la première de couverture sont effectivement deux frères, Max et Josh, mais ils ne sont pas jumeaux. Le héros s’appelle Josh et il a treize ans. 

 
« Pourrais-je proposer ce roman à mes futurs élèves ? »

              Lorsque je me pose cette question, je pense tout d’abord à la difficulté de compréhension. J’essaie, tant bien que mal, de constituer une liste de lectures que je pourrais proposer à mes futurs élèves ; une liste de lecture qui leur conviendrait. 

              Genesis Alpha est un roman très facile à lire : les phrases sont claires, la syntaxe n’est pas saccadée et le vocabulaire est courant. L’écriture est très fluide et cela permet au lecteur d’avancer rapidement dans l’intrigue. De plus, les étapes narratologiques sont rapides et donc le lecteur n’a pas le temps de s’ennuyer. Il y a également beaucoup de suspense et on a envie de terminer le roman pour connaître le fin mot de l’histoire.

              D’un autre côté, un professeur de français se soucie également du message que l’auteur à voulu transmettre dans son roman. Même si ce critère rentre en deuxième position, il est toutefois le plus important, je pense. Toutefois, à ce niveau-là, je suis mitigé : d’une part, j’ai trouvé les personnages légèrement déments. Même les parents ont une part de folie, car ils ont été irresponsables et égoïstes en dépit de l’amour qu’ils ressentaient pour leur jeune fils mourant. Ils n’ont pas réfléchi aux conséquences psychologiques sur leur cadet lorsque la vérité éclaterait. Quant à Rachel, la sœur de la victime, je ne l’ai pas trouvée crédible dans son rôle de la martyre vindicative. Comme les médias, elle lance à tout-va des arguments qui, d’un point de vue du développement de la personnalité, n’ont aucun sens. Je pense évidemment à l’histoire des frères jumeaux séparés à la naissance et qui, une fois devenus adultes, ne se ressemblent pas sur le plan comportemental. Et pourtant, ils partagent le même ADN et sont, physiquement, pratiquement identiques. Autrement dit, certains passages du roman m’ont énervé, mais je suis conscient que les médias et les hommes, en général, peuvent être durs avec certains sujets sociétaux et cela pourrait être un sujet intéressant à développer avec ce roman.  D’autre part, il y a un autre point qui mérite d’être abordé, c’est celui de la science expérimentale. Autour d’un débat, le clonage n’est-il pas dangereux d’un point de vue éthique ? Les hommes se perdent quelquefois eux-mêmes dans leur technologie ; la procréation devrait-elle devenir artificielle ? (c.f. « Le meilleur des mondes » d’Aldous Huxley).

              En définitive, quoique le roman soit accessible à mes futurs élèves du premier degré, je crains que les messages transmis par l’auteur ne les dépassent. Sont-ils prêts cognitivement à aborder des sujets tels que l’éthique scientifique ? Pour être franc, je n’en suis pas sûr et j’aimerais que l’on me le dise. Bien que je pourrais adapter ce sujet à leur âge, mais ce roman touche à un sujet qui mérite un approfondissement suivi, car il est extrêmement important, surtout à notre époque où la science médicale affirme encore aujourd’hui la splendeur technologique de l’Europe. 


Le clonage : développement ou régression ?

 A
près la manipulation génétique des plantes (Les OGM), aujourd’hui le clonage des animaux est autorisé. Malgré cette ligne morale qui est déjà dépassée, on continuera à développer cette technique, car de nombreux investisseurs continueront à nourrir les fonds de caisse. En effet, la rentabilité est due à la haute valeur commerciale d’un animal reproduit à l’identique en ne tenant nullement compte de sa bonne santé.  Certaines entreprises ont d’ailleurs essayé de vendre de la nourriture d’animaux clonés, mais des associations telles que Food and Drug Administration continuent à construire des barrières interdisant cette pratique.  Ce combat entre valeurs humaines et valeurs économiques continuent à l’heure actuelle, surtout qu’un bovin cloné se vend extrêmement cher sur le marché. En outre, cette démarche est brevetée du fait des molécules synthétiques créées et utilisées dans la fabrication de médicaments courants tels que l’aspirine, les anti-inflammatoires, etc. Parallèlement, les organes greffés sur l’homme répondent également à ces critères. Autrement dit, si l’on interdit le clonage, on devrait également prohiber la fabrication de cellules artificielles pourtant présentes dans de nombreux médicaments que l’on consomme quotidiennement. C’est pourquoi, il est important d’opposer le clonage reproductif et le clonage thérapeutique. En effet, les finalités ne sont pas les mêmes, mais elles justifient son progrès. Les lois sont claires et pourtant, la RTBF a déclaré récemment que les Japonais seront capables de cloner un mammouth d’ici quelques années. Alors dites-moi, sommes-nous toujours dans le thérapeutique ? 
              Aujourd’hui, même si le clonage humain ou l’humain transgénique est interdit, le sera-t-il toujours ? Dans un monde où le marché économique domine, ou les entreprises vendent tout ce qui peut être vendu, quel sera le prix d’un humain cloné ? Le roman d’Aune Michaels ouvre la porte, mais il ne nous fait pas visiter l’intérieur. Quelles seront les conséquences sociétales de cet enfant cloné ?

JORDAN Bertrand, Les marchands de clones, éditions du Seuil, Science Ouverte, Paris, 2003.



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