"Un livre qu'on quitte sans en avoir extrait quelque chose est un livre qu'on n'a pas lu."

[Antoine Albalat]

octobre 12, 2011

La rivière à l'envers : Deux aventures en parallèle



Tomek et Hannah en route pour la rivière Qjar !

         Tout d'abord, un grand merci à Mohammed 2e FLE de m'avoir prêté le Tome 2 de "La rivière à l'envers" ! Ce fut un plaisir de rechercher la rivière Qjar avec Hannah !


          Ces deux histoires se croisent et se mêlent pour jouer avec la chronologie. En effet, ne lisez pas le Tome 2 sans avoir lu le premier, car Jean-Claude Mourlevat saute les rencontres entre Tomek et Hannah afin d'alléger le récit. Vous risquerez donc de passer à côté de la découverte de la rivière Qjar ou du lien qui unit les deux aventuriers. 


          Durant le Tome 1, vous allez traverser ce pays extraordinaire où coule en amont la rivière Qjar aux côtés de Tomek, le petit épicier. Il espère rencontrer et secourir la petite Hannah dont il est tombé amoureux dès leur première rencontre. Grâce au Tome 2, vous pourrez découvrir les aventures de la jeune fille qui, comme Tomek, vivra de drôles aventures à travers ce monde merveilleux. Ses péripéties parallèles (au village des petits parfumeurs, dans la forêt de l'oubli, dans la forêt où poussent les écureuils-fruits et d'autres encore) vous seront dévoilées sur les mêmes tons de l'humour, de l'absurde, de la fatalité et du courage. 



 "On devrait toujours prendre son temps pour lire. Est-ce qu'on accélère la musique quand on la joue ?"
p.83, La rivière à l'envers 2. Hannah


          Si vous avez aimé le Tome 1, je vous conseille vivement de le lire ! Aussi étrange, drôle et palpitant que le premier. Jean-Claude Mourlevat garde le même rythme, le même ton et le même univers pour donner au lecteur ce qu'il attend : "Qu'est-il arrivé à Hannah avant de rencontrer Tomek ? Comment s'est-elle rendue à cette forêt inaccessible ? Où était-elle lorsque Tomek s'est réveillé chez les petits parfumeurs ? Bref ! Que du bonheur lorsque vous découvrez ce voyage passionnant !

           Le chapitre XI et le chapitre XIV sont un clin d’œil au lecteur qui découvrira la fatalité du destin. En effet, Hannah après avoir traversé la mer, se retrouve confrontée à un choix : une fourche ! Doit-elle prendre à droite ou doit-elle prendre à gauche ? Face à ce dilemme, l'héroïne tranche et découvre ainsi l'univers de la princesse Alizée. Six mois plus tard, après maintes aventures, Hannah retourne sur ses pas et elle est à nouveau confrontée à... cette fourche ! Quelle blague du destin ! Si elle avait choisi d'aller à droite, elle n'aurait jamais découvert ce monde où les gens sont laids et où les miroirs sont interdits (quelle que soit la raison, car il y en a toujours une dans ce récit). Ce lien entre les deux chapitres rappellent aux lecteurs que le destin est insaisissable. Quoi que nous fassions, notre vie est le fruit d'une multitude de hasards qui rend la vie surprenante et imprévisible.

Jean-Claude Mourlevat, La rivière à l'envers 2. Hannah, Pocket jeunesse, Paris, 2008.

"Nido to aenu hito ni basho ni...
Mado wo akeru..."
"En direction des gens, des endroits
que je ne verrai plus jamais...
J'ouvre cette fenêtre..."


 "Aozoro no shita de"
"Sous le ciel bleu"

octobre 09, 2011

La rivière à l'envers : imaginer un nouvel épilogue

PROLOGUE
"L'histoire que voici se passe en un temps où l'on n'avait pas encore inventé le confort moderne. 
Les jeux télévisés n'existaient pas, ni les voitures avec airbags, ni les magasins à grande surface. 
On ne connaissait même pas les téléphones portables ! 
Mais il y avait déjà les arcs-en-ciel après la pluie, la confiture d'abricot avec des amandes dedans, les bains de minuits improvisés, enfin toutes ces choses qu'on continue à apprécier de nos jours. 
Il y avait aussi, hélas, les chagrins d'amour et le rhume des fois, contre lesquels on n'a toujours rien trouvé de vraiment efficace. 
Bref, c'était... autrefois"

C'est "La rivière à l'envers" de Jean-Claude Mourlevat 

Mourlevat Jean-Claude, La rivière à l'envers 1. Tomek, Pocket jeunesse, Paris, 2008.

          Dès les premiers mots, le lecteur est plongé dans un univers merveilleux tellement extraordinaire qu'il est quelquefois difficile d'en sortir ! Les myriades de mises en abyme sont d'un régal pour les petits et pour les grands et accréditent l'univers de Tomek à un point où l'on aimerait regarder les petits parfumeurs danser sous nos yeux. C'est un roman que je donnerai volontiers à mes futurs élèves, car il n'y a pas meilleur stimulateur d'imagination que les écureuils-fruits, la vieille dame sur sa balançoire et le village des parfumeurs. 

Pistes pédagogiques

          Depuis "La part de l'Autre" d'Eric-Emmanuel Schimtt que j'ai lu cet été, je n'avais plus ressenti cette frénésie, cette passion des mots qui coulent et plongent dans mon imaginaire. Les pages tournent et tournent et à la fin l'auteur m'abandonne à la réalité...  
          J'ai imaginé quelques pistes pédagogiques qui pourraient être utiles dans la réalisation de Tâches-Problèmes (séquence de leçons qui a pour objectif la réalisation d'une tâche finale, concrète). En effet, il me reste encore quelques souvenirs de lecture durant mes Humanités et j'avoue qu'elles ne sont pas exceptionnelles. Comment peut-on exhorter les élèves à lire lorsque la tâche est une évaluation sommative, une sorte de questionnaire afin de vérifier si l'élève a bien lu (ou non) l’œuvre imposée par le professeur. Je me dois donc d'introduire des romans dans des séquences de leçons afin que la lecture de ces romans ne devienne pas une évaluation, mais un outil pour permettre aux élèves d'acquérir les savoirs et savoir-faire dictés par la Communauté Française.  

  Écrire la suite d'un récit 

          Ce roman est divisé en chapitres. Chaque chapitre correspond à une péripétie du protagoniste, Tomek. Le découpage est assez simple et très plaisant, car un nouveau chapitre correspond à un nouvel épisode palpitant. Cependant, le roman se termine à l'épilogue où Tomek rentre à son village après avoir terminé sa quête. Hannah, quant à elle, n'a pas terminé sa quête :
"- Tiens, je te laisse. Comme ça tu seras sûr que je reviendrai. Je serai bientôt de retour. Je te le promets.
Et elle s'en alla."
          Dans ce récit d'aventure, le merveilleux permet à l'auteur d'imaginer des actions extraordinaires faisant intervenir l'impossible dans le récit (la magie, les animaux et les arbres qui parlent, les démons, des villages sortis tout droit d'un conte, etc.) A toi d'imaginer les dernières lignes ! Hannah reviendra-t-elle ? Tomek restera-t-il à l'attendre gentiment ? La fin sera-t-elle fermée ou ouverte ? L'histoire se terminera-t-elle bien ou mal ?  Tout est possible lorsque l'on tient la plume entre nos doigts ! 
           Bien évidemment, cette tâche est très difficile pour les élèves. C'est donc au professeur de déployer une série de stratégies pédagogiques afin de les amener à écrire cette fin.








octobre 05, 2011

L'enfant Océan ou le Petit Poucet contemporain ?


 MOURLEVAT jean-Claude, L'enfant Océan, POCKET Jeunesse, Paris, 2009.

PREMIÈRE PARTIE

Extrait p.62 : 

"   - Si si madame Moulin, le gosse était un surdoué, il était capable de battre un ordinateur aux échecs...
    - On n'ose pas le dire, madame Moulin, mais le gosse était un demeuré, ses frères en avaient honte, voilà pourquoi ils le cachaient dans un sac...
     - Au fait, il paraît que le gosse voyait la nuit comme les chats, vous saviez ça ?
     - On dit qu'il ne dormait jamais...
     - Il avait six ans, il avait douze ans, il avait trois ans...
          J'en passe et des meilleures. J'ai laissé dire. Pour moi, la seule vérité est que ce "gosse", comme ils disent, était un gosse justement. Un simple petit gosse. Qui demandait seulement qu'on le tienne au chaud et qu'on lui dise des gentillesses de temps en temps. Comme tous les autres gosses. Je ne sais pas grand-chose sur l'affaire, mais j'ai comme le sentiment qu'il n'a jamais connu ça. Alors on ferait mieux de lui ficher la paix et de se taire.
          Surtout maintenant qu'il n'est plus là. [...]"

         Ce roman de Jean-Claude Mourlevat, qui commence par une citation de Charles Perrault "Le plus jeune était fort délicat et ne disait mot" extrait du célèbre conte "Le Petit Poucet"  est imprégné de notes compatissantes. Le lecteur lui-même est touché tantôt par la sensibilité de ces sept frères solidaires, tantôt par ce récit polyphonique. En effet, l'histoire est également racontée à travers des personnages extérieurs qui observent et participent au récit. 

          Mais ne prenez plus des vessies pour des lanternes, les apparences peuvent être trompeuses ! 

          À l'instar du Petit Poucet, Yann décide de réveiller ses frères en pleine nuit après avoir entendu son père qui menaçait d'assassiner ses sept enfants. C'est ainsi que Yann, Fabien, Rémy, Victor, Max, Pierre, Paul Doutreleau(x) fuient prématurément le domicile en direction de l'ouest, l'Océan Atlantique, sous le flambeau du petit frère taiseux, mais très perspicace. Sur la route de la "liberté", ils vont devoir se débrouiller comme ils peuvent pour se nourrir, se déplacer et surtout se cacher. 
          Habitué aux maltraitances et aux injustices parentales, l'Enfant Océan n'aurait-il pas mal interprété les paroles de son père ? Car, même s'il est rare pour un couple d'avoir sept garçons, il n'en est pas moins pour les animaux... surtout à la campagne !

DEUXIÈME PARTIE

          Toujours dans la perspective du "Petit Poucet" les sept frères sont confrontés à un être malfaisant. Il ne s'agit plus d'un ogre, mais d'un vieillard qui décide d'enfermer nos héros dans une maison. Je n'écrirai pas davantage sur les péripéties du roman, car une fin ne devrait pas être dévoilée sur Internet.  

Qui est l'Enfant Océan ?

          Lorsqu'on termine ce roman, l'image de cet enfant ne nous laisse pas indifférent. Il comporte une dichotomie : sa candeur qui le rend très réaliste et son côté merveilleux qui le rend transcendant. En effet, sa bonté naïve, son innocence rendent Yann très réaliste puisqu'il se comporte comme un enfant quelconque. Toutefois, un aspect irréel plane au-dessus de sa tête et se renforce à la fin du roman lorsque l'auteur décrit une mort symbolique. 
Qui est l'Enfant Océan ? Existe-t-il vraiment ? On n'en a pas la moindre idée, car l'auteur tourne autour du sujet (voir l'extrait au début du roman) sans jamais nous donner une idée précise. C'est pourquoi, ce roman a un goût fade: tantôt touchant et triste, tantôt vide...
 

octobre 04, 2011

Et si on narrait le métalangage ?

Pour ceux qui aiment la fantaisie grammairienne, Erik Orsenna, membre de l'Académie française, a écrit une série de romans de tous genres. Connu pour son récit merveilleux "La grammaire est une chanson douce", l'écrivain imagine une île mystérieuse où vivent les déterminants, les verbes, les adverbes, etc. . Mais l'expérience grammaticale ne s'arrête pas là ! L'adverbe est un bon célibataire et à l'instar des Hommes, l'adjectif "hanté" se marie au nom commun "maison".

Mon coup de cœur, "Et si on dansait" aborde une thématique à la fois stricte et subjective : la ponctuation. 
Nous avons tous été confrontés à un moment de notre vie au doute de la virgule, du point-virgule et autres ponctuations dont le sens nous échappe ! Mais n'ayez crainte, grâce à Erik Orsenna, écoutons la ponctuation en musique ! Abusons s'il le faut de virgules, de points d'exclamation tant que notre texte chante et résonne pour ceux qui  nous lisent ! Rendons à la langue sa musicalité, dansons au rythme des notes de musique qui rendent les phrases vivantes.

Bien évidemment, les thématiques grammaticales endorment les auditoires, mais avec Orsenna, vous vous entraînez à ponctuer avec humour ! 

ORSENNA Erik, La grammaire est une chanson douce, Le Livre de Poche, Paris, 2009.

Extrait : 

"Etant donné la lâcheté des garçons (surtout des garçons musiciens), c'était moi, la sœur, qui étais chargée d'annoncer à la groupie le 1 et le 2 et de vérifier que le 3 était suivi d'effets, c'est-à-dire que la fille avait libéré les lieux.
Pas de chance, j'ai la mémoire des prénoms. Pourquoi m'encombré-je [orthographe du roman] la tête de ces syllabes imbéciles ? Sylvie, Martine, Charlotte, Marie, Delphine, Karine, Gwenaëlle, Rachida, Françoise, Vanessa, Lora, Iphigénie, Nathalie, Véronique, Sonia, Marie-Neige (etc., etc.).
Quand je repense à ces années-là, à la ronde de filles de ces années-là, je ne me rappelle pas les visages. Blondes, brunes ou rousses ou décolorées, elles se ressemblent toutes, les folles de musiciens.
Je me souviens seulement des virgules.
Qu'est-ce qu'une virgule, d'après la définition officielle ? "Signe de ponctuation qui marque une pause de peu de durée."
Qu'est-ce qu'une virgule pour moi ?
L'intervalle de "peu, très peu de durée" qui a séparé Gwenaëlle de Rachida et Vanessa de Lora, le "peu, très peu de durée" entre deux fiancées de mon frère."


Orsenna Erik, Et si on dansait ?, Éditions Stock, Le livre de poche, Paris, 2010, pp 40-41.