"Un livre qu'on quitte sans en avoir extrait quelque chose est un livre qu'on n'a pas lu."

[Antoine Albalat]

décembre 27, 2011

L'affaire Jennifer Jones

                         Une présentation rouge sang, très lisse. Des morceaux de journaux qui forment une silhouette de pompée démembrée où apparaissent des titres d’articles : « Meurtre », « Une fille assassinée par sa… », « Drame affreux… ».  Un titre : « L’Affaire Jennifer Jones ». Tous ces détails sur la première de couverture renvoient à un roman policier.
                Le rouge, les titres des journaux, l’illustration et le titre du roman, tout laisse croire au lecteur qu’il va s’agir d’un crime, d’une enquête policière. Et pourtant…

              La première de couverture est très intéressante. J’aimerais l’exploiter pour une activité d’introduction sur la première et la quatrième de couverture, car elle trompe le lecteur. Toutefois, une fois le roman terminé – et même plus tôt – la poupée démembrée ne me rappelle plus le meurtre, mais une enfance déchirée par l’abandon. 


                « Elle créait des problèmes à tout le monde. Elle n’était qu’une source d’ennuis. Jill avait dû quitter son bureau pour venir la voir. Pat Coffey recevait des appels téléphoniques de sa mère. Rosies avec des Insomnies. Alice l’avait vue assise à la table de la cuisine, à quatre heures du matin, attendant que la bouilloire chauffe. Ce qui avait provoqué en elle une légère panique. Dans combien de temps Jill, Pat et Rosie en auraient-ils assez ? Peut-être qu’un jour, elle n’aurait plus qu’à affronter toute seule la télévision et les journaux. Et un jour, elle devrait probablement affronter les parents de la fillette.
                Elle préférerait se laisser mourir dans un coin plutôt que de se trouver dans cette situation. »

                Alice, alias Jennifer Jones, est une meurtrière. Lorsqu’elle était enfant, elle a assassiné une jeune fille. C’est pourquoi on la pointe du doigt, on la juge pour ses méfaits. Toutefois, Anne Cassidy nous plante un décor miroir. Nous ne suivons pas l’histoire d’un détective qui mène une enquête afin d’assembler les pièces du puzzle - ou les pièces détachées de la poupée -, mais à travers les yeux de la meurtrière. Mais J.J. n’est pas une délinquante, elle n’est pas en colère contre le système : elle aimerait juste être pardonnée. Mais le mérite-t-elle ?
                En outre, nous découvrons le présent de cette jeune fille libérée par la justice qui tend à reconstruire une nouvelle vie. Parallèlement, grâce aux flashbacks qui hantent l’esprit de l’héroïne, le lecteur rassemble les souvenirs du passé afin de comprendre Alice. Alors, finalement, nous compatissons :

                « Pourquoi tout le monde s’intéressait-il à elle maintenant ? Quand il était trop tard pour changer quoi que ce soit ? Qu’est-ce que cela voulait dire ? »
                « Était-ce suffisant ? Aller travailler chaque jour ? Avoir des amis ? Faire des études ? Dans quel but, finalement ? Pour devenir une épouse, une mère ? Ne vaudrait-il pas mieux qu’elle parte à l’étranger aider les affamés et les désespérés ? Si elle pouvait empêcher que d’autres souffrent ou meurent, est-ce qu’elle paierait pour ce qu’elle avait fait six ans auparavant à Berwick Waters ? Sa vie rachèterait-elle celle qu’elle avait supprimée ? »

  

               
             Lorsque j’ai terminé la première partie, j’avais le sentiment d’avoir saisi le message de l’auteure et la manière dont elle amène le personnage afin que l’on découvre progressivement l’enfance de cette jeune fille qui deviendra célèbre pour son crime. Autrement dit, j’avais la vague impression d’avoir fait le tour bien que je ne fusse qu’à mi-chemin. De plus, j’avais des craintes quant au dénouement de l’intrigue : « Pourquoi Jennifer Jones a-t-elle tué de sang froid sa meilleure amie ? » 


                Était-ce un accident ? Était-ce la véritable meurtrière ? Pourquoi une jeune fille, qui semble lucide, a-t-elle commis un meurtre ? 
 

                Finalement, c’est une jeune fille banale que l’on découvre dans la deuxième partie principalement consacrée à son enfance. Elle recherche la stabilité comme n’importe quelle jeune fille. Elle aimerait vivre avec sa mère, étudier tous les jours et fréquenter des amis ; bref rien d’anormal jusque-là. Mais J.J., déchirée entre une mère qui se révèle « mannequin de charme », qui néglige sa fille unique et l’amour qu'elle éprouve pour sa mère, devient une bombe à retardement ; et lorsqu’elle explosera, il sera trop tard. Alors la vie ne sera plus jamais la même. Il ne lui restera plus que la culpabilité et la honte.
                En réalité, ce n’était ni un accident, ni une couverture. Elle est le véritable meurtrier. Toutefois, nous l’avons comprise et nous lui pardonnons, car Jennifer Jones n’est pas folle ; elle est capable de différencier le bien et le mal. Elle est même parfois très mature pour son âge, mais elle ne l’est pas assez pour prendre les bonnes décisions. Elle vivra avec cette honte et ce fardeau jusqu’à la fin de sa vie. Elle a droit à la rédemption. Et cette fin, je ne m’y attendais pas.  

2 commentaires:

  1. Romain, tu cherches vraiment la petite bête Y_Y
    Je trouve ton article très bien rédigé pain d'épice, et ai partagé la plupart des tes impressions.

    RépondreSupprimer