Junk - Melvin Burgess
La première de couverture n’est pas très réjouissante : la couleur dominante est le noir. Ensuite, la disposition du titre, de l’auteur et de la collection est originale, car l’auteur a été inscrit sur le titre et ce dernier s’allonge verticalement prenant ainsi une bonne partie de la page. J’ai l’impression qu’on contrebalance les règles – s’il y en avait – donnant ainsi un caractère anarchique à cette couverture. Il y a également une seringue – encore une note peu rayonnante – mise à l’arrière-plan. La couleur verte des titres rappelle sans doute le cannabis voire le hash. Par conséquent, l’histoire parlera sans doute de drogues et d’injustice. J’imagine bien des jeunes qui rejettent toute forme d’autorité et qui se laissent bercer par la plaisir éphémère des psychotropes jusqu’au jour où…
Quant à la quatrième de couverture,
je préfère ne pas la lire, car j’aimerais avoir la surprise – ou les surprises
– narratives. J’aime découvrir l’introduction des romans, le côté quelquefois
paisible des premières lignes et l’élément perturbateur qui, dans ce livre,
ressemblera sans doute à une décadence du héros plongeant dans le monde
invraisemblable des stupéfiants.
Je suis étonné des premières pages,
car j’ai ri de leurs bêtises. J’ai trouvé Gemma très ironique et très drôle
dans son rôle de l’adolescente incomprise de ses parents. Toutefois, Nico est
plutôt bouleversant, car sa situation familiale est très instable. Il a des
allures de gentilhomme lorsqu’il parle de ses sentiments envers Gemma et sa
mère, une femme battue par son mari alcoolique. Mais sa fugue est prématurée
bien qu’au bout de quelques pages, au moment où il explique ses raisons,
j’éprouve de l’empathie à son égard même si la fuite vers Bristol reste
énigmatique pour moi. En effet, malgré la situation dramatique dans laquelle il
se trouve (parents alcooliques et père violant), il décide de passer au-dessus
du problème plutôt que de l’affronter – mais quels problèmes tout de
même ! Je l’ai également trouvé
très égoïste lorsqu’il désire revoir Gemma et qu’il lui déclare son amour afin
qu’elle vienne le rejoindre. La situation de sa petite amie n’est pas semblable
à la sienne : elle est juste révoltée contre l’autorité parentale, mais
quel adolescent ne l’a pas été à cet âge-là ? Elle n’aurait jamais eu
l’idée de quitter sa famille si elle n’avait pas été inspirée par Nico. Et j’en
suis désolé pour elle. Finalement, je trouve que ces deux personnages ne sont
pas très profonds, car ils sont continuellement dans l’action sans jamais se
poser pour méditer un instant. Puisqu’ils sont adolescents, j’accepte cet état
d’esprit mais je reste sur ma faim. De plus, la première de couverture rappelle
une descente en enfer qui n’a pas encore eu lieu. C’est pourquoi, j’ai compris
qu’ils continueront à agir sans réfléchir aux conséquences de leurs actes.
Gemma
n’accepte aucune règle, aucune contrainte ; elle est vraiment énervante.
Elle est encore plus égoïste que Nico ; surtout que ce dernier est aveuglé
par ses sentiments. J’adhère aux propos de Vonny et je trouve que parmi les
squatteurs, elle est la plus lucide et raisonnable. Elle va jusqu’à anticiper
le danger potentiel de la crémaillère, des invités qui risquent d’être
l’élément déclencheur pour Gemma. La jeune adolescente descend la pente, et je
pense qu’après la fête, le roman s’obscurcira. J’espère que Vonny, le seul
personnage qui semble cartésien, agira
au risque de se mettre les autres à dos.
Nico et Gemma sont finalement deux
personnages très différents : j’ai l’impression qu’il subit les évènements
alors qu’elle décide de les vivre ; il a l’air quelquefois nerveux, timide
alors qu’elle est exubérante et en quête d’une identité – sans doute pas la
meilleure !
Je suis assez déçu que Vonny reste
passive. Elle connaît Rob et Lilly, et elle est donc capable de deviner l’influence
qu’ils auront sur les deux jeunes adolescents. Quand elle découvre qu’ils prennent
tous de l’héroïne, elle est révoltée intérieurement, mais reste inactive -
encore une fois. Le personnage Gemma reste énervant, car elle ne grandit pas et
continue à résonner comme une adolescente qui a tout compris de la vie ;
elle s’amuse à taquiner, à provoquer les autres parce qu’elle contrôle sa vie, mais
elle a complètement tort : elle se voile la face. Elle s’enfonce davantage
dans la drogue et la prostitution jusqu’au jour où elle s’enfermera dans une
spirale infernale – s’il n’est déjà pas trop tard.
La dynamique du groupe est assez
frappante : entre adolescents, ils se comprennent et se soutiennent et
surtout, s’influencent les uns les autres. Ils ont l’air heureux de cette vie
de débauches. Alors on n’en retire pas grand-chose : le roman est toujours
dans l’action (drogues, prostitution, vols, etc.) et les personnages manquent
cruellement de profondeur. Ils sont juste heureux de se droguer et de se
prostituer. Ils recherchent de la drogue parce qu’ils sont en manque et lorsqu’ils
n’ont plus rien pour se soulager, ils se prostituent pour en acheter. Je trouve
ça léger, car j’aimerais avoir davantage d’émotions, de conséquences de leurs
actes sur l’estime qu’ils ont d’eux-mêmes. Le contrôle de leur vie ne peut pas
être une motivation suffisante pour supporter de vivre dans une maison
abandonnée, de se piquer continuellement et de « masser » des hommes
à longueur de journée. J’attends le moment où tout basculera, car je reste sur
ma faim. Ils finiront sans doute par s’insurger les uns contre les autres,
accablés par le manque. J’ai peine à croire qu’une amitié, même solide, puisse
survivre lorsqu’elle est principalement basée sur la consommation de
stupéfiants.
« C’était horrible.
Horriblement bon. » p. 242
L’arrivée
du bébé est la goûte qui a fait déborder le vase. Mettons de l’huile sur le
feu, rendons l’histoire encore plus déjantée. Encore une péripétie dégueulasse
qui en définitive n’amènera nulle part. Lily continuera à se droguer et elle
aura un enfant, mais pas une seule fois l’auteur abordera subtilement les
réactions psychologiques des personnages. Ils l’encouragent à avorter voire à
arrêter l’héro, mais ils ne pensent pas aux conséquences sur l’enfant – à l’exception
de Nico qui se révoltera mais uniquement par faiblesse de Junky. Ensuite, l’idée
de s’évader à la montagne afin de commencer le sevrage partait d’une bonne
attention, cependant je parie que l’un d’entre eux apportera une dépanne et
elle sera la cause d’une guerre dans la tribu des Junkies. Soit dit en passant,
je trouve cette idée alléchante, car cela mettrait un peu de piment dans ce
roman qui s’allonge… Malheureusement, c’est le flop ! Pas de guerre, juste
des querelles entre drogués en pleine descente. Ils décident de rentrer à
Bristol en perdants parce qu’ils choisissent la facilité. Pourtant le bébé
était une belle motivation, mais à croire que la vie d’un enfant n’a pas de
prix pour toxicomane ; ce passage souligne bien l’engrenage dans lequel
ils s’inscrivent.
Lorsque Nico rentre dans un centre
de toxicomane, j’espérais de tout cœur qu’il mette fin à cette période sombre.
Encore une fois, j’ai été déçu, car il replonge facilement malgré les conseils
des spécialistes : si tu fréquentes des amis toxicomanes, tu seras
toujours tenté. Bien sûr, il a fallu qu’il continue à les côtoyer et il
replonge illico dans la spirale des stupéfiants. Quant à sa petite amie, elle
culpabilise pour en avoir consommé de peur qu’il ne rechute, mais elle ne
lèvera pas le petit doigt pour le soutenir. Désolant ! Il aurait dû
accepter l’invitation de Richard et partir en Thaïlande, un pays incroyablement
magnifique.
La dernière partie du roman est
celle que j’ai préférée, car Gemma a pris la décision que j’attendais depuis un
moment : un geste qui bouleverse toute l’histoire. Pour la première fois,
elle a montré qu’elle avait mûri ; et contrairement à Lily, son bébé sera
la belle motivation qui changera tout. C’est pourquoi, elle devient le
personnage que j’attendais depuis le début de l’histoire alors que tout au long
du roman, je la détestais pour son immaturité et son exubérance.
La fin de l’histoire m’a plu parce
qu’elle se situe entre le happy end et la fin ouverte : Nico – et Gemma –
ont commencé une nouvelle vie, mais il n’est pas totalement débarrassé de la
tentation. Chaque jour sera un combat, car c’est le prix à payer lorsqu’on veut
retirer définitivement sa casquette de Junky.
Le thème de la drogue dans la
décadence n’est pas celui que je préfère. Quelquefois, je préfère rechercher de
l’espoir dans les romans plutôt que la débauche. C’est un thème très car, comme
le souligne l’auteur sur la quatrième de couverture que j’ai enfin lue : « Je pense qu’il est préférable que
les jeunes n’entendent pas parler de la drogue pour la première fois le jour où
quelqu’un essaiera de leur en vendre. »
Cette lecture arrêtée est très intéressante et prouve (mais devait-on le prouver ?) que la signification se construit de page en page et que l'envie du lecteur change et se modifie... un bel exemple.
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